En pleine discussion budgétaire, le gouvernement cherche de nouvelles victimes de sa politique austéritaire. Sa cible privilégiée est toute trouvée : les fonctionnaires. Pétri de poncifs stigmatisants et humiliants, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, qui a déjà montré l’étendue de son talent au ministère du Logement, excelle. « Il y a urgence à lutter contre l’absentéisme des fonctionnaires. »
Il faut d’abord rappeler à ce sinistre ministre que l’on ne parle pas d’absentéisme, c’est-à-dire de jour de congé indu ou de journée de travail « séchée » comme au collège, mais bien d’arrêt maladie. Et qu’à part une infime minorité sans doute epsilon, il n’existe pas d’arrêt maladie de confort. Mais, dans la tête des libéraux, et par essence dans la start-up nation, soutenue une nouvelle fois par le RN, les fonctionnaires ne travaillent pas assez. Les préjugés ont la peau dure et sont savamment entretenus pour pouvoir mieux justifier certaines politiques les visant.
Ce gouvernement continue son œuvre destructrice en opposant les Français aux immigrés, les jeunes aux retraités, les fonctionnaires aux salariés du privé. De plus, cette décision prétendument au nom de l’équité avec le privé est une ineptie puisque, dans la majeure partie des entreprises, des accords couvrent les jours de carence.
Le nouveau ministre de la Fonction publique aurait pu, aurait dû commencer par d’autres chantiers.
Les suppressions d’emplois par milliers depuis des années dans les trois versants de la fonction publique ont considérablement dégradé les conditions de travail. Les agents sont à bout, comme le montre encore la récente mobilisation du secteur de la santé, qui souffre du manque de moyens notamment dans les hôpitaux. 4 000 postes d’enseignants vont être supprimés l’an prochain alors que le manque de personnels dans l’éducation nationale, et notamment de remplaçants, pénalise déjà les élèves. 500 emplois vont être supprimés à France Travaille alors même que les chômeurs et les chômeuses ont besoin de plus d’accompagnement personnalisé. Sans parler de secteurs comme la police, la justice.
La Cour des comptes n’a pas manqué d’ajouter sa petite rengaine dans l’air du temps, en proposant de supprimer 100 000 emplois au sein des collectivités locales. Pourtant, ces agents sont précieux. Ils font tourner le pays en assurant des missions et des métiers essentiels, souvent peu valorisés et moins bien rémunérés que dans le privé. Les 5 millions d’hommes et femmes fonctionnaires défendent des valeurs de service public et d’intérêt général, contrairement à leur ministre de tutelle, qui n’en a cure.
Vouloir réaliser 1,2 milliard d’euros d’économie sur leur dos est une provocation qui va aggraver le mal-être de ces agents, et donc les arrêts maladie. C’est une gabegie qui pousse à l’externalisation de savoir-faire ou même au recours à des cabinets de conseil, tels McKinsey, bien que les qualifications existent au sein de l’appareil d’État.
Alors que le statut de la fonction publique est une conquête du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), par la contribution décisive des communistes pour un statut général, il est urgent d’entendre les revendications des fonctionnaires, en matière de reconnaissance des qualifications, d’avancement de carrière, de revalorisation salariale, de maintien de la Pipa (garantie individuelle de pouvoir d’achat). Les débats au Parlement seront déterminants pour savoir qui veut la peau des fonctionnaires et de la fonction publique.
Fabien Gay – Directeur de l’Humanité