La surprise exprimée par certains participants plus âgés du rassemblement contre la venue de Jordan Bardella à Sète le 22 novembre, face à la présence de nombreux jeunes venus se faire dédicacer son livre, révèle un décalage profond dans notre compréhension de l’extrême droite contemporaine. Cette surprise illustre une difficulté à penser ce phénomène en dehors de son cadre historique : l’imagerie du fascisme des années 1930 demeure une grille d’analyse dominante, souvent incapable de saisir les mutations culturelles et sociales qui ont permis à des figures comme Bardella d’attirer une nouvelle génération.
Une lecture obsolète de l’extrême droite
Les références historiques au fascisme classique, bien qu’instructives, tendent à figer notre analyse dans un passé révolu. Or, l’extrême droite actuelle, et en particulier son poste avancé le Rassemblement National, s’inscrit dans un cadre résolument moderne : celui du néolibéralisme. Ce fascisme néolibéral n’impose pas la transformation brutale des institutions ou le contrôle visible des masses ; il opère subtilement, en restructurant les imaginaires. Ce ne sont plus seulement les structures de la société qui changent, mais la manière dont nous les percevons : les jeunes, parfois éloignés des luttes sociales et sans repères historiques solides, adoptent ces narrations simplifiées et identitaires, rendues séduisantes par un marketing politique efficace.
L’abandon des combats majeurs de la gauche
Cette situation est également le reflet d’un échec stratégique de la gauche, qui s’est éloignée de ses combats historiques : la lutte contre la pauvreté, la défense de la dignité sociale et la construction de
solidarités concrètes. Alors que des pans entiers de la jeunesse sont confrontés à la précarité, à une absence de perspectives et à un isolement social croissant, l’extrême droite offre des réponses simplistes mais accessibles, mêlant victimisation nationale et valorisation identitaire. La gauche, quant à elle, peine à formuler une alternative qui parle à ces mêmes jeunes, car elle a trop souvent abandonné le terrain culturel, préférant les débats institutionnels ou les luttes symboliques.
Une guerre culturelle gagnée par le néolibéralisme
Les grandes industries culturelles et médiatiques, complices de cette dynamique, façonnent un imaginaire où l’individualisme prime sur la solidarité et où l’action collective est remplacée par des récits de méritocratie et de survie individuelle. Dans ce contexte, l’extrême droite n’a même plus besoin de recourir à des méthodes autoritaires pour imposer ses idées : elle s’insère dans un paysage idéologique déjà favorable à ses thèses. Les jeunes qui demandent une dédicace à Bardella ne sont pas uniquement séduits par ses idées politiques, mais par une image : celle d’un chef jeune, confiant, qui prétend incarner une rupture avec les élites traditionnelles.
L’urgence de l’union comme stratégie et objectif
Face à cet état des lieux, il est urgent de reconsidérer les stratégies politiques de la gauche. L’union, souvent invoquée mais rarement concrétisée, doit devenir une priorité. Elle est non seulement une condition historique de la victoire de la gauche, comme l’a montré le Nouveau Front Populaire, mais
aussi un objectif idéologique fondamental. L’union n’est pas seulement une stratégie électorale ; elle est l’incarnation d’une vision du monde basée sur la solidarité, la coopération et la lutte commune pour une société plus juste.
Laisser l’extrême droite gagner la guerre culturelle, serait accepter que nos luttes soient marginalisées et leur essence finalement datée. Reprendre le combat pour la pauvreté, la dignité et la solidarité, dans les cadres national et local d’un front uni rassemblant tous les acteurs progressistes, c’est refuser cette marginalisation et réaffirmer la gauche comme avant-garde de la transformation sociale.
Section de Sète du PCF