Pour l’une des raisons invoquées par Poutine pour justifier sa guerre : l’extension de l’OTAN à l’Est et le risque que l’Ukraine ne devienne un membre à part entière de cette Alliance. Pourtant, en février 2022, au moment de l’invasion russe, l’OTAN se trouvait dans une crise existentielle profonde, jugée « en mort cérébrale » par Emmanuel Macron trois ans plus tôt. La volonté affichée au sommet de Chicago, dix années auparavant, d’en faire la « la plaque tournante d’un réseau mondial de sécurité » avait du plomb dans l’aile.
Mais aujourd’hui, l’idée d’une « OTAN globalisée » ne s’est jamais mieux portée. Des pays comme la Finlande ou la Suède ont rompu avec une histoire diplomatique que l’on pouvait croire immuable. Ces adhésions, effectuées pour la Finlande ou en cours pour la Suède, répondent certes à une demande de la part de ces pays, mais constituent aussi un apport de profondeur stratégique qui permet de renforcer les positions militaires sur le flanc oriental de l’OTAN face à la Russie.
Opérationnellement, la militarisation s’accélère. D’ores et déjà, près de 40 000 hommes sont déployés sur les théâtres européens. Les budgets militaires des membres de l’OTAN explosent et l’idée même d’une diplomatie et d’une défense européenne indépendantes semble enterrée. Mais des fissures demeurent entre alliés, notamment sur l’ampleur de la réorientation stratégique. Le sommet de Madrid, fin juin 2022, a redonné à l’OTAN une ambition mondiale. Si la Russie y était représentée comme « la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité et aux valeurs des alliés ».
Un intérêt asiatique que confirme la présence du président sud-coréen. Yoon Suk Yeol, au sommet de Vilnius, pour faire face à la Corée du Nord. Déploiement oriental en Europe et stratégie du « pivot vers l’Asie ».
L’OTAN globalisée est en passe de devenir le bras armé mondial des intérêts de Washington…Bien loin d’une garantie pour la paix, en Ukraine ou ailleurs.
Stéphane Sahuc
Éditorialiste à l’Huma