Vingt-cinq ans ! Un quart de siècle de discussions et de négociations entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine du Mercosur pour aboutir à ce traité de libre-échange qui ignore l’intégralité des défis à relever pour l’humanité : crise climatique, accroissement des inégalités mondiales, pandémie, crises financières et bulles spéculatives, guerre en Europe…
Un traité négocié dans le dos des peuples européens et sud-américains, au seul bénéfice des géants transnationaux de l’agrobusiness, de l’automobile, de la chimie, de l’énergie. Pour le capitalisme allemand, par exemple, cet accord doit offrir de nouveaux débouchés, notamment pour son industrie automobile et pour les produits de l’agrochimie de la firme Bayer-Monsanto. Le marché est colossal.
Le Brésil est le plus grand utilisateur de pesticides au monde, devant les États-Unis, avec 809 000 tonnes en 2019. Des substances massivement répandues dans les champs de soja, de maïs et de canne à sucre génétiquement modifiés. Des produits qui sont ensuite directement exportés en Europe ou qui servent à engraisser du bétail ou de la volaille dont la finalité est également de finir dans nos assiettes. Avec le traité UE-Mercosur, les volumes importés vont exploser. Au total, 82 % des importations agricoles européennes, en provenance des pays du Mercosur, seront totalement exemptées de droits de douane.
Les agriculteurs en Europe et en France se retrouveront encore plus sous la pression d’une concurrence faussée rendant leur métier impossible. En Amérique du Sud, l’argument de la productivité conduira inexorablement à toujours plus d’extensivité, donc de déforestation et de pesticides tuant la biodiversité et empoisonnant les sols et les humains. Pour les travailleurs d’ici et de là-bas, la recherche de compétitivité et la course au profit compresseront toujours plus les salaires et les droits sociaux. La France doit refuser ce traité. La baisse des prix à la consommation et les compensations financières pour les agriculteurs que font miroiter les zélateurs de cet accord ne sont qu’un criminel feu de naufrageurs.
Stéphane Sahuc – Éditorialiste de l’Huma